PORTRAIT

LA LÉGENDE PERSONNELLE de PIERRE BODSON :
Portrait d’un LIBRAIRE indépendant à Libramont en Belgique.

Pierre BODSON est de PALISEUL en Luxembourg belge, village familial du poète PAUL VERLAINE qui venait y visiter sa tante et promener sa vie dans la puissante forêt d’Ardenne. 
L’Ardennais est un valeureux, au coeur sensible, à l’image d’un climat affirmé qui donne aux saisons un charme irrésistible.
Ardennaise moi-même, je sais que nous sommes fougueux et courageux. Bastogne, ville rasée en 1944 et aujourd’hui très active, illustre cette capacité des Hommes de l’Ardenne à reconquérir leur destin pour ne pas en faire une fatalité. 

C’est à Paliseul que j’ai rencontré Pierre Bodson au Comité Culturel Paul Verlaine géré par des bénévoles admirables qui croient au lien social par une culture accessible et chaleureuse. 
Ses parents avaient une boucherie, à Paliseul bien sûr, mais ceux de son meilleur ami y avaient une imprimerie et une librairie. 
C’est là que Pierre a commencé à fréquenter les livres pour ne plus jamais quitter cet univers de l’écriture et de la lecture.
Le tracé parental envisageait qu’il soit instituteur, il aurait pu être chanteur parce que sa voix fut remarquée par un professionnel, il a été animateur socio-culturel une dizaine d’années, il a suivi une formation de bibliothécaire pour une plus grande intimité avec les livres mais, quelque chose en lui n’était pas satisfait.

Dans son livre L’alchimiste, Paulo Coelho a écrit :  » Nous sommes tous porteurs d’une légende personnelle. L’accomplissement de ce destin favorable dépend de notre capacité à retrouver nos envies profondes « . 
Le destin de Pierre Bodson est dans les livres parce que les livres ont changé sa vie. Sa légende personnelle relève de ce lien indéfectible avec les écrivains.
 » À un moment, un livre est venu tout bousculer chez moi : Les Noces Barbares de Yann Queffelec. Avant je lisais plutôt Guy Des Cars et ça a été très formateur finalement. C’est une écriture qui dit beaucoup de choses de la vie ».
Avec Queffelec, Pierre a ressenti la faculté hypnotique  de la littérature  : un livre nous charme, on en lit d’autres et on se retrouve vite avec une bibliothèque conséquente. 
Pierre, lui, est devenu libraire !

Je vais garder L’alchimiste de Coelho comme fil rouge de ce portrait parce qu’il évoque assez justement le parcours touchant de Pierre Bodson.
 » Rien ne l’empêchait, sinon lui-même  » : jeune, Pierre a connu cette difficulté d’oser être qui il était par peur de froisser et de déplaire. 
Il a un sens de l’Autre, comme j’ai rarement vu et je suis philosophe, il cherche souvent ses mots, il pèse ses phrases, il hésite par crainte d’un malentendu qui pourrait blesser la personne à qui il s’adresse. 
Il est prévenant, attentif et attentionné.
Ça fait tout le caractère de sa librairie où j’ai passé plusieurs après-midis. 
C’est une petite ruche où tout le monde vient butiner à son aise, où les clients partagent leurs émotions de lectures, où certains ont des demandes pointues que Pierre essaie d’honorer avec ses moteurs de recherche, c’est le lieu sacré de son filleul de 14 ans Louis qui dévore les livres comme d’autres mangent des glaces et qui vous parle de ses lectures avec coeur et passion.

La librairie Le Temps de Lire a 21 ans d’existence et Pierre Bodson ne regrette rien.
 » Jamais je ne me dis merde je dois ouvrir, c’est juste l’inverse ! J’aime toujours autant les livres et les lecteurs. La partie administrative est évidemment irritante avec la gestion des stocks et des invendus à retourner mais je ne m’arrête pas à cet urticaire comptable. Parler des livres ne me lasse pas. Ma librairie est généraliste mais je suis axé littérature et livres jeunesse. La science fiction, je reconnais que les éléphants qui volent ce n’est pas mon truc. Conseiller un livre policier, j’ai pas toujours facile mais je m’applique ». 

En littérature, Pierre est intarissable.  Il vous parle de Grâce et Dénuement 
d’Alice Ferney avec enthousiasme en avouant que c’est son livre fétiche qui résiste au temps. 
Olivier Adam est un de ses auteurs préférés. 
Pour cette rentrée littéraire, il est impatient de lire le nouveau Leonor de Recondo.
C’est un régal d’écouter Pierre parler des auteurs et des romans qu’il a aimés. Vraiment !

La librairie est chaleureuse parce qu’elle a un côté bouquinerie avec un banc et une table circulaires comme coin lecture avec les bouquins tout autour de vous à consulter.
Le choix est insolent de richesse. Une habituée me confiait que venir chez Pierre, c’était le certitude de repartir les bras chargés.
Comme c’est petit, on peut constamment échanger avec le libraire et c’est ce que j’ai trouvé de vraiment chouette.
Il est attaché à faire plaisir à ses clients. Pour eux, il a créé un Apéro-Lecture le 2ème dimanche du mois au restaurant LES GAMINES à Poix St Hubert.
 J’y suis allée et je suis devenue apéro-lecteur. 
Je vous parlerai prochainement de la Table-Philo que j’animerai après l’apéro-lecture chez LES GAMINES le 8 octobre prochain pour soutenir les parents d’un petit d’un an qui souffre d’une maladie éprouvante. J‘ai bien connu le restaurant du temps des parents des GAMINES quand j’avais mon Café-Philo DIOGÈNE à REDU. Abonnez-vous à Philo-Deschamps pour être informé.

Coelho a écrit :  » quand on veut une chose, tout l’univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve » et Brigitte, l’épouse de Pierre a facilité la réalisation du rêve en le poussant à faire la librairie dans leur maison.
Parce que Le Temps de Lire, c’est aussi une histoire de famille. Tout le monde s’y est mis et le fait de ne pas payer de loyer commercial est appréciable parce qu’à l’heure de la vente en ligne, c’est un défi d’arriver à vivre de sa librairie. 
SAUF quand un député européen qui habite dans le coin s’engage à commander ses ouvrages spécialisés,
SAUF quand un habitué apporte régulièrement une liste référencée d’une dizaine de livres pour sa bibliothèque,
SAUF quand des parents, et j’en ai vu plusieurs, accompagnent leurs enfants pour choisir un livre,
SAUF quand les gens comprennent qu’une librairie est un lien social de proximité à préserver absolument dans cette époque d’errance virtuelle,
SAUF quand le libraire aime tellement les livres que son fils Bastien me confie 
 » papa, les gens croient qu’il a tout lu  » mais c’est vrai qu’il lit énormément et qu’il sait de quoi il parle.

J’ai connu beaucoup de librairies dont la célèbre Hune à Paris où j’ai passé des heures et j’ai habité le village du livre à Redu mais je reconnais que Pierre Bodson est un libraire exceptionnel.

Il a le souci sincère de ses clients et une joie de partager ses lectures qui font de sa librairie un lieu convivial où on se parle généreusement.
Je termine son portrait par le Grain 621 de mon livre Un grain de philo contre la folie du monde :  »  Le savoir-faire impose le respect « .
Pierre Bodson a en plus un savoir-être bien appréciable et un professionnalisme remarquable qui donnent une belle identité à sa librairie.

Sa modestie va rougir de ce compliment sincère d’une philosophe qui côtoie des écrivains enchantés de savoir qu’il y a encore des libraires attachés à mettre les livres en valeur pour le meilleur de l’avenir littéraire.Je dédie ce portrait à Oscar, le chien de Pierre. Nous sommes tous les deux follement attachés à nos chiens, ce qui n’enlève rien à la considération que nous avons pour les Hommes.
Anne Deschamps, philosophe de terrain:
http://www.philo-deschamps.com/p/mon-coeur-bat.html